Transcriptie
Au Camp à Teemsche, le 20e aoust 1646
Je commenceray par la venu de M. Haga, qui vient d’arriver ce matin à 7 heures aveq son pot de conserve et beaucoup de harangues fort punctuelles. Après cela je pense pouvoir dire à Votre Altesse qu’apparemment ses soings et ses remèdes pour le flux de ventre de Son Altesse seront superflus, car ce mal commence à cesser tout de bon et à mon advis non pas trop subitement, qui, comme sçait Votre Altesse est un autre mal dangereux. Je laisse le détail de tout cecy aux informations mieux fondées du docteur Verstraten, que je vien de mettre à escrire pour ne perdre l’occasion du convoy qui a faict escorte à Haga.
Ensuitte de ma petite lettre d’avant-hier au soir, que j’ay sceu estre bien arrivée à Hulst, nous partîmes de Lokeren hier à la poincte du jour et marchâmes vers Waesmunster où Son Altesse se donna le divertissement de visiter les dames d’un convent noble qui y est, mesmes y desjeusna de la collation que ces religieuses luy présentèrent, ce qui empescha Son Altesse de disner à midi à La Halte. Après laquelle l’on passa outre et se detournat-on l’apres-diné vers ce village, où d’abord on fit canonner le chasteau, garni d’une compagnie ou de 100 ou 150 hommes soubs le commandement d’un Jan Request, soldat de fortune, qui autrefois a quitté nostre service et présentement s’opiniastra à ne vouloir donner bien, ny aux bonnes ny aux mauvaises paroles, qu’on luy a faict donner par plusieurs sommations. Cependant nostre canon estant à descouvert à la portée du pistolet de ceste maison, d’où il se fait beaucoup de feu par les fenestres et d’autres trous, il s'y blesse plus de monde que l’affaire ne vault. Et comme c’est proprement l’attaque des gardes qui marchent devant, ce fut hier au soir le tour de monsieur Gleser, qui y reçoit un coup au travers de la jambe gauche, qui véritablement n’a pas rompu, ni peut-estre pas touché l’os, mais pourtant a faict deux fort grandes ouvertures par la grosseur de la bale, qui se trouve de près d’une livre de poix, et luy fit d’abord perdre beaucoup de sang. On espère toutefois que tout ira bien. Tout présentement Monsieur Huyghen, commandeur de Breda, vient de recevoir un coup d’une moindre bale, qui est entrée au dessoubs de nombril et sortie derrière au haut de la cuisse, mais en biaisant de sorte à costé, que les chirurgiens croyent asseurément qu’il n’y a point de boyaulx offensez et qu’il n’en aura que la douleur. Ainsi d’ordinaire ces trous coustent plus d’honestes gens en peu d’heure que des grandes places à la longue, parce qu’on y va tout à descouvert.
L’alarme est grande par delà la rivière, où nous voyons marcher et remarcher beaucoup de monde qui seroit bien marry de nous la veoir passer. Aussi ne seroit-ce pas jeu d’enfant, car l’Escault est large icy comme le Wael à Nimmeghe.
Votre Altesse me fasse l’honneur de croire que ne perdray aucun moment qui me donne moyen de luy donner de nos nouvelles, mais elle doibt considérer où nous sommes et que je ne puis pas ce que je veux que par des convoys ou des personnes affidées, qui sont fort rares par deçà. Quoyqui arrive, je respondray tousjours de mes debvoirs par les dates de mes lettres.
Le petit baron d’Osé, nepveu de Monsieur de Beringhen, frère du page de Son Altesse nommé sieur Pater, eut hier les quatre doigts et une partie de la main droite emportée d’un coup de’arquebuse, que luy pensa donner dans la teste le cuisinier de M. de Zuylestein, nommé Papillon, sans qu’il luy en eust donné autre subject que deux ou trois paroles rudes, après l’avoir prié de luy faire place dans la presse qu’il y avoit à Lokeren sur le départ de l’armée. Le pauvre gentilhomme, qui est tout discret et sage, est extrêmement plaint de son malheur. Il en arrive tous les jours de semblable par les insolences de ces nouveaux François qui incommodent furieusement nos marches par leurs désordres.
Son Altesse fit hier toute ceste grande marche à cheval, ne voulut point souper, mais l’appétit luyt vint la nuict sur les 2 heures et lors il a fort bien mangé de bonnes viandes.