Constantijn Huygens
aan Amalia van Solms
6 oktober 1646
n0180

Bron: LHASA, A7b, 109A, 67-68

Transcriptie

Au camp à Hintem, le 6e octobre 1646

Plustost que de venir en soupçon de paresse ou de négligence, je prens la plume pour dire à Votre Altesse les mesmes choses que le Sieur Haga luy representera beaucoup mieux de bouche. C’est que Son Altesse ayant cheminé en carosse hier jusques à ce que le soleil luy donna envie de prendre l’air en liberté, monta à cheval dans la bruyère et rencontrée par le curé de Loon, accepta l’offre qu’il osa luy faire, d’un repas de poisson dans son logis où Son Altesse arrivée environ une heure après-midi y trouva, comme disent les François, toute chose preste et rien de cuict, de sorte qu’il fallut attendre une bonne heure après ce beau festin de poisson, que la seule complaisance de Son Altesse put trouver médiocre. Par ce retardement il estoit presque nuict avant que l’on put gaigner le quartier de Geersberghe, misérable hameau, où tout le monde fut fort incommodé en faveur de Monsieur de Loon, de qui le village fut sauvé de logement par la bonté de Son Altesse, qui a mis ce bon seigneur en possession et coustume de ceste grâce. À ce matin devant le jour, Son Altesse est remontée en carosse et la grosse pluye qu’il a faict la nuict, venant à cesser auprès de Bois-le-Duq, Son Altesse y a voulu entrer à cheval pour veoir en mesme temps quelque partie du remport et la citadelle. À midi Monsieur de Brederode l’a traictée en beau poisson, assaissonné par de si bonnes sauces que Son Altesse a voulu parler elle mesme à son maistre-cuisinier à table pour luy commander d’en faire tous les jours de mesme. Mais celles-cy estoyent de la façon de lieutenant-general Kuin, disciple de Monsieur de St. Hibar en ceste soirée de haut goust. Ce repas s’est trouvé entrelardé de vin muscat, après lequel Son Altesse s’est disposée à reposer plus d’une grosse heure, mais vers le soir ne s’est sortie par trop gagliarde de la trop bonne chère que Monsieur Verstraten, assistant au festin eust souhaitté plus modérée. Après ce sommeil Son Altesse a reprins le carosse et s’en est venue en ce quartier d’où l’on part demain de grand matin.

À Bois-le-Duq lettres sont venues de nos ambassadeurs à Munster, qui disent que s’estants interposez entre les François, les Impériaulx et les Espagnols à l’instance et contentement de tous les trois, la négociation a tellement réussi entre leurs mains, qu’ils se trouvent au-dessus de toutes les difficultez plus importantes et se croyent tellement maistres de ce qui reste à vuider qu’ils pensent en déclarent que le tout sera absolument conclu au premier jour, voire plus promptement qu’ils n’oseroyent dire. Ce que prians Son Altesse de vouloir mesnager comme un secret de haulte importance, je supplie aussi très humblement Votre Altesse de ne vouloir pas faire semblant d’en avoir rien apprins de moy, qui n’ay pu m’empescher d’en faire part à Votre Altesse, sachant que je le dépose en main saige et discrète au possible.

D’icy en hors l’adresse de mes lettres sera plus difficile, mais je metrray peine à y donner tout le meilleur ordre qui se pourra. 

Un homme revenu d'Anvers à Bois-le-Duq dit qu'il y avoit nouvelle par lettres de l'évesque de Gant que Duynkercke avoit voulu parlementer, mais que le Duq d'Anguien avoit respondu (dès mardi passé) qu'il ne falloit point parler de capitulation, mais que la garnison devroit demeurer prisonnière de guère et que les bourgeois seroyent bien traitez. Monsieur de Brederode est mon auteur.

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