Transcriptie
À La Haye, le 5e aoust 1647
Je me trouve moins fourni de matière digne de l’entretien de Votre Altesse à La Haye que je ne le souloy estre aux armées. Et cependant, pour ne laisser point passer d’ordinaire sans quelque marque de mon devoir, ne puis laisser de dire à Votre Altesse que, grâces à Dieu, Son Altesse, nostre jeusne seigneur, est en seule vigoureuse et souhaitteroit, ce me semble, la pouvoir employer aux occasions d’honneur, comme ses glorieux ancestres, auxquels j’oseroy bien respondre qu’il ne céderoit en aucune façon. Mais extérieurement tout butte à luy en oster la subject et si Monsieur de Servient a parlé du cours en partant, peu de temps nous pourroit approcher de la conclusion des traictez, bienque plusieurs en doubtent et croyent préveoir des nuages qui pourront interrompre ceste sérénité. Il partit samedy passé dans un bateau pour Leiden d’où le carosse de Monsieur de la Tuillerie et sa personne mesme le conduisèrent jusques à Bodegrave, où il print son propre carosse et ainsi s’achemina vers Utrecht. Pour quand il sera arrivé en Overijssel, Son Altesse a ordonné au coronel Harsolte de le conduire en seureté vers Munster aveq les 6 compagnies de cavallerie des garnisons de son commandement. On ne l’a pas seulement laissé partir sans offre de présent, mais mesmes sans compliment de bouche sur son départ, à quoy les seigneurs Bruynincx et Staefvenisse, ayans esté députez, la commission a esté negligée, non sans scandale de plus discrets, croyants que qui n’a envie d’obliger au moins ne doibt point donner subjet d’offense.
Ce que j’ay dit d’Armentiers ne continue pas. L’on marche de Tournay du 29e Juillet que le quartier de l’Archiduq estoit à Hausbourdin proche de là et qu’il avoit distribué son armée en trois pour veiller sur les démarches des François, qui, s’estans rendus maistres de la digue qui va d’Ypren vers Nieuport et du fort de Niewendam, avoyent tout à faict la mine d'en vouloir à ceste dernière, dont à Bruges il y avoit grand murmure de ce que l’Archiduq abandonnoit toute la coste pour s’amuser à la reprise de La Bassée, qui pourtant ne se vérifie point.
En Angleterre Votre Altesse aura sceu comme les apprentifs de Londre se sont bandez partie, ayant insisté au Parlement qu’on eust à faire revenir le Roy et à leur accorder un jour franq de la sepmaine et grand nombre s’en estant joinct volontairement à l’armée de Fairfax, de sorte que tout s’y trouve de jour en jour en plus d’incertitude et de confusion. Le Roy n’est pas si estroittement observé que par le passé, mais non toutefois hors de garde.
Son Altesse est tousjours embarassée dans le procès de Gueldre et a destiné le jour de lundi qui sera d’aujourd’huy à huictaine pour le voyage de Breda. Cependant par son ordre le conseil faict revenue de tous officiers et serviteurs de la maison pour adviser au message qui s’y pourroit practiquer.