Constantijn Huygens
aan Amalia van Solms
11 november 1645
4202

Bron: KHA, archief Amalia van Solms, A14a-XIII-18c-1
Editie: Worp, deel 4, 254

Transcriptie

Au camp de Hulst, le 11e novembre 1645

Ceux du Moerspuye, qui font le dernier acte de ceste tragédie, ou bien le dessert de ce festin, trouvent un si fort enemi en teste, qu'ils semblent relascher un peu de leur première fureur. Cette nuict passée Monsieur le Comte Guillaume (qui s'est veu passer une bale de canon entre les deux jambes, dont j'entens que l'une porte quelque légère marque) a faict attaquer la traverse que les assiégez avoyent sur la digue, à main droicte de ses approches: laquelle fut emportée d'abord. Après cela une grande couppure palissadée et retrenchée dans la mesme digue, de laquelle ayans aussi esté chassez, ils le furent pour la troisiesme fois, et tout de mesme venue d'un autre viel ouvrage, où la haste de se retirer les a obligez d'abandonner deux pièces de fonte verte. De sorte qu'à ce matin il s'est trouvé en termes d'aller loger et sur la digue de la mer, et sur la contrescarpe du fort, qui ensuitte se trouvera bientost pressé d'escoutter à la raison. Son Altesse toutefois n'a pas laissé d'envoyer fortifier M. de Ferens, à son instance, de 4 compagnies tirées du Poldre de Namen, au païs de Ter Goes, du fort Maurice, et d'Axelles, outre trois petites pièces, dont il a jugé avoir besoin pour sa subsistence. Mais, comme les patentes n'en sont parties que ceste nuict, j'ose espérer que l'exécution en viendra tard.

Ainsi ce long filet de forts d'icy autour s'allant achever de se mettre en pièce, Son Altesse aujourdhuy a faict advertir les hauts eschevins du païs de Waes, que dans après-demain ils ayent à luy envoyer, pour le moins, jusqu'à 1.200 païsans, pourveus de pesles, pour raser tous ces forts, dorénavant inutiles.

À Anvers on dit qu'il seroit venu à Beck un renfort de trois régimens espagnols, mais les rapporteurs mesmes ont de la peine à le croire. En tout cas Son Altesse estime que s'il doibt luy venir du secours, ce sera plustost d'Espa- gnols que d'autres nations, pour en pouvoir garnir le chasteau d'Anvers, quand nostre venue pourroit l'obliger à passer la rivière, comme on veult dire qu'il l'appréhende extraordinairement.

Son Altesse a prié le Conseil d'Estat d'envoyer un député ou deux, pour louer la réparation de quelques baracques, corps de gardes et semblables bastimens endomagez en ceste ville par le siège. Ensuitte nous commençons à reveoir l'estat des garnisons, et ce qu'il faudra pour les remplir suffisamment, après les grands amas de monde que Son Altesse prétend laisser aux plus proches villes d'icy.

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