Constantijn Huygens
aan Amalia van Solms
23 juli 1647
n0287
Bron: LHASA, A7b, 104A, 88-89

Transcriptie

Au camp à Zelzate, le 23e juillet 1646

Je ne particulariseray pas ce qui est de la réception de Monseigneur le Prince Guillaume auprès de Monsieur le Duc d'Orléans, parce que je m'asseure que dans la joincte il s'en acquitte amplement envers Votre Altesse. Seulement j'y doibs adjouster que ceux qui ont esté tesmoings de son comportement en ceste rencontre, où il a veu en abbrège quasi tous les plus grands seigneurs de la Cour de France, déclarent qu'il s'en est demeslé aveq toute la bonne grâce possible, et au rapport de plusieurs de ces seigneurs, y a laissé extrêmement bonnes impressions de sa personne. Particulièrement M. le duc d'Anguien l'a prins en affection confidente et a fort souhaitté que l'hiver qui vient il pust le veoir avec plus de loysir à la Cour, mais je n'y voy pas toutes les apparences d'autrefois.

Monsieur le Mareschal de Grammont, personnage accort et discret, vient hier après-diner donner la visite à Son Altesse, qui luy parla de marcher dans demain, mais je n'apperçois pas que nous nous y disposions encor tout de bon. Le secours consiste en quelques régimens d'infanterie, montans de 2 à 3 mil hommes et en trois mil chevaulx effectif et bons, qui est un renfort considérable et dont il y avoit moyen de se prévaloir contre des enemis assez confus, estonnez et en désordre. Il fault veoir à quel point la bonté divine dirigera nos délibérations et nos forces. Celles de Son Altesse sont tousjours de mesme. Nous souhaittons et travaillons souvent à ce qu'il les vueille mesnager en carosse, mais en vain, et ne s'y resoult que sur la fin de tout autre effort. Le-voyci encor pour la deuxième fois à cheval, et un devant-disner. Et est chose estrange comme ses inclinations présentes se portent vers les chevaulx. Il n'en void point soubs quelque palfrenier, qu'il n'envoye informer à qui ils sont, quels, de quel âge et qualitez et s'ils ne luy seroyent propres.

Ceste nuict passé Monseigneur le Prince Guillaume envoya advertir Son Altesse de ce qu'il avoit apprins de divers costez que Piccolomini estoit venu loger aveq toute sa cavallerie à Meulestede, qui est un fauxbourg de Gant, de ce costé icy, mesmes qu'une partie de ceste cavallerie s'approchoit vers nostre quartier, où jusques ores nous n'en avons eu aucune en garde, je ne scay pourqoi. Son Altesse donq aussitost rescrivist que tout nostre cavallerie eust à monter à cheval et à s'avancer jusques entre icy et Assenede, donna aussi le mesme advis à Monsieur le Mareschal de Grammont, qui ne manqa pas de se trouver promptement en campagne; mais il n'est rien apparu et ne sçait-on encor si ces advis ont esté véritable ou point.

Quand Son Altesse eust escrit sa dernière lettre à Votre Altesse, il me fit plainte de ne pouvoir plus escrire et que Votre Altesse ne pourroit pas lire ce qu'il avoit brouillé dans ladite lettre. Je dis m'en estonner, voyant comme Son Altesse signe bien et vigoureusement mes depesches, voir mieux que par le passé. Le lendemain, retombant sur ce discours, Son Altesse voulut encor essayer sa main devant moy et en effect trouva qu'il pouvoit escrire ne plus ne moins qu'à l'ordinaire, ce jour d'auparavant n'ayant eu qu'un mauvais intervalle, comme nous les voyons regner en tout le reste de ses maux.

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