Transcriptie
Au camp à Assenede, le 24e juillet 1646
Hier après-midi vers le soir Monsieur le Mareschal Grammont fit veoir à Son Altesse toutes ses trouppes en bataille. L’infanterie dans le quartier et la cavallerie dans la bruyère. Là où véritablement tout le monde eut grand contentement de veoir un si beau nombre de soldats aguerris et dont il y en a peu qui ne se soyent trouvez à 3 ou 4 batailles de considération. Il faut advouer que leur monture ny leur armes ne sont pas comparables aux nostres, mais d’ailleurs les hommes sont excellens et leur paroist dans le visage qu’ils ont de la résolution et de l’expérience au mestier. Les officiers aussi sont tous comme d’eslite, personnes de bonne mine et pleins de civilité. Sur la fin de ceste parade dans la bruyère un régiment Aleman fit une forme d’attaque en 3 escadrons aveq tant de dextérité, vistesse et justesse, nonobstant le feu qu’ils firent, qu’il y avoit subject de l’admirer. Tous les autres régimens aussi tirèrent leurs salves en bel ordre sans que jamais aucun cheval s’en destournast, paroissant assez qu’il n’y en avoit pas qui fussent neufs à se bruict-là.
Son Altesse revenue de ce divertissement, se trouva un peu lassée d’avoir esté quelques heures à cheval et n’en a pas mieux reposé ceste nuict, puis s’est faict habillée dès les 4 heures, je ne sçay à quelle fin que pour demeurer tout coy dans une chaire. Sur les 7 heures s’est recouchée sur le lict et y a dormi de deux à trois heures si profondément que toutes les trompettes des trouppes Françoises qui ont sonné ensemble à sa fenestre ne l’ont pu esveiller. Apres ce somme elle se trouve aucunement rafraischie.
Piccolomini marcha hier avec ses trouppes au travers de Dendermonde vers Anvers. Au dit Dendermonde il y avoit grand bruict de ce que les François avoyent enclos Monsieur de Lorraine, mais je pense que la peur et consternation universelle leur faict imaginer ces extrémitez qui ne sont guère apparentés. Nostre armée a ordre de se pourveoir de vivres pour 6 jours.