Constantijn Huygens
aan Amalia van Solms
3 augustus 1646
n0161
Bron: LHASA, A7b, 109A, 29
Transcriptie
Au Camp à Lokeren, le 3e aoust 1646
Le duc de Lorraine est resuscité. Ce que j’en escrivis par postdate à ma dernière me vint de mot à mot de la bouche de Son Altesse, qui en avoit ainsi esté informée par ceux qui maintenant que la nouvelle ne continue pas, donnent d’autres interprétations à leur paroles et à celles que Piccolomini leur avoit dites. Tant y a ledit Duq s’est retiré au convent d’Afflighem et son armée a esté partagée entre ledit Piccolomini et Becq, l’on ne sçait encor si c’est pour la reprendre en hiver ou quel autre mystère il y peut avoir.
Un trompette de Son Altesse qui avoit esté conduire la baronne de Exarde à Gant, rapporte qu’on y tient Wijnoxberghe perdu, mais non pas Duynkercke; nous sçaurons en bref ce qui en est.
Hier ou soir il estoit venu loger une compagnie de cavallerie aveq 3 d’infanterie à Meulestede, qui est une sorte de fort au Fauxbourg et a la portée du mousquet de Gand. Aujourd’huy à la pointe du jour M. de Haucourt s’y est trouvé aveq 200 chevaulx et 80 fuzeliers, auxquels joignant quelques cavaliers qu’il a faict mettre pied à terre. Il a si bien faict qu’après avoir eschoué une descharge de mousquetterie, il a enfoncé la porte du fort et s’en est rendu le maistre a peu de résistence qu’on faict les enemis surprins de sa venu, parce qu’il estoit jour et qu’un brouillar le couvroit. Un des capitaines d’infanterie y est demeuré blessé à mort sur la parole de l’autre, qui a esté mené prisonnier aveq deux lieutenants, beaucoup de soldats et quelques 40 chevaulx, tous sellez et bridez, sur lesquels nos fuseliers s’en sont revenus montez à l’avantage. Le capitaine de cavalerie n’y estoit pas, le troisième d’infanterie s’est sauvé à la nage, ce que d’autres ayant voulu tenter après luy y ont esté noyez.
La disposition de Son Altesse va de mesme train et l’on en pourroit espérer mieux s’il se vouloit empescher du très mauvais régime qu’il tient, en beuvant entre autres de grands traits d’eau depuis toute crue et freschement tirée, et puis se rassasiant d’abricos et autres fruicts dont il a l’appetit; depuis quelques jours foible et abbatu sans que le médecin puisse rien gagner à le persuader de prendre quelque pilule pour corriger tant de désordre et prêcher le mal qu’il menace. Pour le pouls il l’a, grâce à Dieu, tousjour bon.